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Blessures de tennis. Parallèle avec la maladie en psychologie de la santé. Pour le Hors-Série 12 de la Revue Hypnose et Thérapies Brèves.

Veronique DASLE, Hypnose et Thérapies Brèves
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Lors de mes études de psychologie, j’ai effectué un stage chez une psychologue du sport, qui travaillait au sein de l’équipe de femmes de handball de Metz.

VÉRONIQUE DASLE

Infirmière sensibilisée à la prise en charge de la douleur du patient. Exerçant en milieu scolaire, elle a été confrontée à la souffrance des enfants et adolescents. Formation de Master recherche mention psychologie, parcours Psychologie du développement à l’Université de Nancy 2, dirigée par Benoît Schneider. Devenue psychologue, spécialisée en psychologie du développement de l’enfant. Installée en libéral auprès d’adultes, formée à l’hypnose et aux thérapies brèves à l’Institut Uthyl à Nancy.

Elle utilisait la relaxation afin d’aider les joueuses victimes de blessures à restaurer leur sentiment d’estime de soi, et dépasser une période de souffrance psychique intense.

Plus tard, je fus moi-même confrontée à la souffrance physique et psychique dans le cadre de douleurs postopératoires à l’épaule sur une longue période, l’intervention chirurgicale ayant été indiquée suite à des tendinites à répétition dues à la pratique du tennis. L’épisode douloureux a cessé progressivement au cours de cinq séances d’hypnose.

Aujourd’hui, j’exerce en cabinet libéral et j’utilise souvent l’hypnose. Je rencontre de plus en plus de personnes pratiquant le sport de manière intensive, à la recherche d’une harmonie, d’une confiance en soi, ou pour 

trouver des solutions à leurs troubles du comportement alimentaire. Elles viennent chez moi pour trouver un apaisement, pour sortir d’un cercle vicieux, qui les conduit à exercer un contrôle envahissant toutes les dimensions de leur vie. Le sport ainsi pratiqué comme un ultime recours, repoussant toujours plus loin les limites, m’interpelle et la relation au corps que l’on modèle, que l’on exploite et malmène aussi, parfois jusqu’à la blessure, me semble pouvoir être écoutée en hypnose.

De même, l’hypnose étudiée au moment délicat de la période de réhabilitation du sportif après une blessure pourrait alimenter la recherche sur ses effets dans le domaine du sport, avec l’éclairage de la psychologie de la santé, dont l’intérêt est d’avoir élaboré des modèles pouvant expli- quer les mécanismes en jeu dans le maintien de la santé, et les stratégies d’adaptation face à des situations pouvant la mettre en péril.

La blessure chez un sportif désireux d’atteindre un niveau élite peut réduire à néant un investissement constitué de longues années d’entraînements et de compétitions. Lors de la phase de réhabilitation de la blessure, les athlètes utilisent des stratégies d’adaptation et mobilisent des ressources psychologiques en réponse au stress. La recherche a mis en évidence le lien significatif entre l’auto-efficacité et les performances sportives, et explore actuellement les techniques pouvant faciliter les conditions psychologiques d’une performance optimale. Ainsi, l’hypnose a démontré son potentiel comme stratégie permettant d’influer sur le sentiment d’auto-efficacité de l’athlète, et son apport au moment de la récupération de la blessure permettrait d’explorer de nouvelles directions.

« Une blessure a été définie comme une lésion apparue lors de la pratique du sport dans un contexte d’entraînement ou de compétition, et qui a empêché l’athlète de participer à au moins une unité complète d’entraînement ou de compétition (Olsen et al., 2005 ; Seil et al., 1998). »

Différentes étapes vont se succéder dès l’apparition de la blessure, cinq stades successifs semblables aux étapes suivant l’annonce d’un handicap, d’une maladie. Au choc initial se mêle un refus de la situation et un état d’anxiété. Ainsi, selon Schauber et Durand, la première étape de l’annonce du handicap correspond à un état de choc avec dénis, refus. Puis dans un deuxième temps s’installe la colère, et l’augmentation de l’émotivité. A cela s’ajoute de la tristesse, de la culpabilité.

Une troisième étape intitulée « marchandage » chez le sportif blessé, comparable à la transaction autour du handicap, apparaît lorsqu’enfin le diagnostic est peu à peu intégré à la pensée. Enfin, un quatrième temps est marqué par la dépression chez le blessé, là où l’on retrouve après l’annonce du handicap, une phase de résignation, dépression avec repli sur soi, isolement, fermeture, s’engageant progressivement vers un état d’équilibre précaire, avec différentes formes d’acceptation ou réconciliation avec la situation difficile, pour tendre vers une réorientation durable. Enfin, le cinquième temps des stades de la blessure est marqué par l’acceptation et l’espoir.

La blessure peut revêtir différentes formes selon la sévérité, le nombre de jours d’arrêt d’activité, la lésion, les répercussions. La réaction à la blessure tient compte des aspects cognitifs, émotionnels et comportementaux. Certains facteurs psychosociaux se combinant dans quatre domaines prédisposeraient l’athlète à la blessure : environnemental, physique, socioculturel et psychologique. Le stress, élément central, favorise également la survenue de situations où la blessure est susceptible d’apparaître. La réponse psychologique va influer sur le devenir par le jeu des mécanismes de coping ou adaptatifs en réponse au stress, elle évolue en même temps que le processus de réhabilitation, lui-même dépendant des différents stades de la blessure. A côté des stratégies de coping, plutôt centrés sur le problème chez les sportifs, d’autres facteurs psychologiques vont influer sur la réhabilitation, ainsi la motivation intrinsèque, l’anxiété, la fixation d’objectifs dirigés vers un but, et toutes ces dimensions vont participer à l’autorégulation du comportement, et impacter le sentiment d’auto-efficacité personnelle. La notion de soutien social perçu va égale- ment renforcer l’adhésion à cette réhabilitation.

Chez l’adulte les blessures du haut du corps sont majoritaires : tendinopathies de l’épaule avec les pathologies de surmenage, le risque étant plus élevé dans les mouvements répétés au-dessus de la tête, au niveau du coude le tennis elbow, qui se manifeste par une douleur de type tendinite au niveau de l’épicondyle, le cou, les cervicales, le dos et lombaires peuvent également souffrir de blessures principalement liées aux mouvements du service, alors que les membres inférieurs sont plus touchés chez les jeunes joueurs : élongations musculaires principalement derrière la cuisse et au mollet, entorses ligamentaires à la cheville et au genou. La prévention des blessures passe par l’utilisation d’équipements adaptés au joueur et à son niveau, mais aussi par une bonne préparation et un entraînement bien conduit toujours précédé d’un échauffement. La santé a été définie par l’Organisation mondiale de la santé en 1946 comme « un état complet de bien-être physique, mental, social, et ne consiste pas seulement en l’absence de maladie et d’infirmité ». La psychologie, notamment avec le modèle transactionnel (Bruchon-Schweitzer, 2000) reprenant celui de Lazarus et Folkman (1984), propose une explication plus globale et plus dynamique de la santé posant la question de la place de certains facteurs dans l’apparition d’une maladie ou dans le maintien de l’état de santé, et surtout la place de l’individu, qui va négocier avec tous ces facteurs. On dénombre trois sortes de facteurs : les antécédents contextuels, comme le niveau socio-démographique, ou individuels : style de vie, sentiment d’auto-efficacité... ; les critères correspondant à l’état de santé final somatique et émotionnel du sujet ; et les médiateurs qui vont intervenir entre les deux et vont permettre au sujet d’opérer dans un premier temps une évaluation dans une situation donnée : évaluation du stress perçu, de son soutien social perçu et du contrôle perçu sur cette situation, et ensuite élaborer, intentionnellement ou non, des stratégies d’ajustement. Ces stratégies peuvent être adaptées ou non, en fonction des situations : on parle alors de coping, qui peut être centré sur le problème, sur l’émotivité et sur la recherche de soutien social. En psychologie de la santé, on s’intéresse donc moins à ce que les sujets sont, mais à ce qu’ils font dans une situation donnée.

Hypnose Thérapies BrèvesL’auto-efficacité correspond à la disposition individuelle à évaluer sa propre efficacité dans différentes situations de la vie quotidienne : 

professionnelle, sociale, sportive... Le sentiment d’auto-efficacité se définit comme un phénomène situé sur un continuum allant de faible à élevé, qui concerne « les croyances qu’entretient une personne sur les ressources qu’elle détient, et sur sa capacité de les mobiliser et d’accomplir les actions requises pour répondre aux exigences d’une situation donnée ».

La Santé globale s’intéresse aux personnes sans maladie déclarée. Le questionnaire de Rivolier (1987) a été conçu dans le but d’un suivi des personnes sur une période définie initialement prévue pour des expéditions au pôle Nord où on mesurait la dégradation de certains domaines et dans des situations extrêmes particulières : stress intense, par exemple.

Nous voyons bien l’intérêt de mettre en parallèle ces notions issues de la psychologie de la santé avec les modèles issus du champ du sport, car être performant et donc compétitif vis-à-vis de soi et envers les autres peut provoquer des peurs et croyances génératrices de stress. Nous nous interrogeons sur la manière dont le sentiment d’auto-efficacité et la santé globale d’un sportif peuvent influer sur la prévention et principalement ici la récupération de la blessure ? En l’absence de sentiment d’auto-efficacité, la récupération et la guérison peuvent être affectées par la « souffrance psychique », et par la suite impacter les performances. Cette notion étant très vague, il devient plus judicieux de se concentrer sur un aspect mesu- rable de la souffrance psychique chez le sportif blessé comme le niveau de stress, qui peut influencer l’estime de soi, les stratégies de coping, également le lieu de contrôle des événements. Il semble pertinent de nous axer sur l’auto-efficacité pour rendre compte des variations interindividuelles de cette dimension selon le moment de récupération, et sur la santé globale comme indicateur général de bien-être du sportif.

La contribution de l’hypnose en période de récupération de blessures pourrait être étudiée, afin de montrer que cette technique va influer sur le niveau d’auto-efficacité perçue et la santé globale de la personne.

L’hypnose est définie comme un état de «veille paradoxale» par François Roustang, faisant référence à la notion de « sommeil paradoxal », phase où le dormeur produit des rêves. Le sujet n’est pas endormi bien qu’il en ait l’apparence. Il reste conscient de son environnement, présent tout en laissant libre cours à son imagination. Ainsi il est courant de définir l’hypnose comme un état modifié de conscience. Les neurosciences nous apprennent, grâce à l’imagerie cérébrale, que l’hypnose semblerait influer sur les mécanismes inhibiteurs qui contrôlent l’activité des régions sensorielles à l’état de veille, et ainsi faciliterait l’imagerie mentale spontanée, et produirait des changements au niveau sensoriel par l’intervention de suggestions ciblées. Ainsi, l’hypnose a montré des effets positifs dans le traitement de la douleur, permettant la modulation des différentes dimensions de l’expérience douloureuse, lors de suggestions proposées après la phase d’induction.

La douleur est un phénomène subjectif purement individuel, comportant de multiples facettes, qui rendent son étude complexe et sa compréhension essentielle pour soulager la personne qui souffre. La connaissance de la physiologie de la douleur dans les domaines neurophysiologiques et neurobiochimiques a pu progresser grâce aux travaux de Wall et Melzack en 1969. Les mécanismes de la nociception ont pu alors être décrits, les voies de propagation de l’influx douloureux et les récepteurs nociceptifs localisés et la théorie du « Gate control » de Melzack a mis en évidence un mécanisme d’inhibition de l’influx (la porte) pouvant mener vers la prise de conscience des stimuli douloureux selon leur intensité, et permettant l’intégration de la douleur dans la vie mentale. Ainsi, la douleur est un système d’alarme informant le cerveau de la présence d’un agent d’agression interne ou externe. Différents facteurs vont intervenir dans la sensation douloureuse, comme l’émotion, le stress, l’état psychologique, également un phénomène pouvant influer sur la composante émotive : l’effet placebo.

Les représentations mentales de la souffrance interviennent et vont en conditionner l’expérience, ainsi l’aspect religieux, et les notions d’expiation, de croyances magiques, de rituels... l’aspect socioculturel, avec l’exhibition de la souffrance dans certaines cultures, le rejet de la souffrance comme une confrontation à l’échec dans nos sociétés du paraître et de la forme à tout prix. La philosophie s’intéresse aussi au phénomène douloureux et part à la quête de sens à la souffrance humaine, essayant de lui attribuer une valeur. La souffrance, qualifiée de mauvaise en terme de catégorie anthropologique au sein de la philosophie occidentale, revêt une tout autre conception avec l’apport des civilisations orientales, et l’engouement pour les « médecines douces », les techniques douces comme la sophrologie, la réflexologie, le training autogène, la relaxation, entrent alors à l’hôpital, les centres antidouleur apparaissent, et une nouvelle science naît : l’algologie. Les équipes multidisciplinaires s’intéressent à la douleur chronique, la douleur maladie, qui est un des deux types différenciés de la douleur, au côté de la douleur aiguë, douleur alerte.

La définition de la douleur décrit une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable. Les terminaisons nerveuses perçoivent le stimulus nociceptif et transmettent l’information vers les aires cérébrales respon- sables de la perception sensorielle et émotionnelle de la douleur. Le traitement cognitif réalisé par le cortex préfrontal module ce que nous ressentons. La pénibilité peut alors être accrue ou atténuée par la compréhension de la signification de cette souffrance.

L’hypnose agit elle-même comme une expérience sensorielle et émotionnelle, et utilise donc les mêmes canaux que la douleur. Elle va pouvoir s’appuyer également sur les différentes tonalités de la douleur, comme les sensations de pincement, de tension, de brûlure, de striction... et travailler sur les métaphores que le patient apporte lui-même. Son efficacité avérée lors d’études avec groupes témoins, a été vérifiée grâce à l’imagerie, qui a montré une réduction de l’activité des principales aires de la douleur lors de suggestions analgésiques. L’hypnose allège les douleurs chroniques autant que les douleurs aiguës. Elle permet de contrôler l’anxiété, le stress, l’appréhension et les phénomènes d’anticipation de la douleur, notamment en cas de soins particulièrement douloureux, comme chez les grands brûlés, permettant ainsi de baisser la consommation d’antalgiques, ou lors d’interventions chirurgicales. Certains anesthésistes utilisent en effet l’hypnose avec succès, l’utilisation d’anesthésiants pouvant être réduite, le réveil du patient et les suites opératoires s’en trouvent améliorés.

Si elles sont utilisées dans le respect d’un cadre éthique, les techniques hypnotiques peuvent se révéler un outil très puissant. L’hypnose n’a pas à s’apparenter à un tour de magie, mais constitue un instrument créatif, permettant à la personne de faire émerger les ressources dont elle dispose. Dans le cadre d’une blessure sportive, on entrevoit la notion de traumatisme, également d’état douloureux, de souffrance physique mais aussi psychologique. L’hypnose peut apporter une réponse adaptée et l’expérience a montré des résultats positifs dans ce domaine. Dans ce sport individuel exigeant qu’est le tennis, reconnu comme particulièrement difficile mentalement, l’hypnose peut contribuer à renforcer l’image de soi, permettre d’augmenter la force mentale, la sécurité émotionnelle au moyen de suggestions ciblées. Par ailleurs, les neurosciences ont montré l’importance des neurones miroirs lorsqu’un sujet se représente mentalement une action. Ainsi, en état d’hypnose, les neurones miroirs peuvent participer à la guérison, en préparant le retour à l’action par la visualisation des gestes et comportements du joueur de tennis, et il a été démontré que les muscles répondent même en présence d’une représentation mentale de cette action. Ainsi, l’hypnose se révèle être un instrument créatif pour accompagner la personne vers la récupération de ses capacités, en faisant émerger les ressources dont elle dispose, et permettant de renforcer son sentiment d’auto-efficacité.

Au niveau cognitif, notons l’importance de la perception d’une part : « L’ensemble des mécanismes et des processus par lesquels l’organisme prend connaissance du monde et de son environnement sur la base des informations élaborées par ses organes sensoriels et peut ainsi construire ses représentations mentales ». Quant à la conscience, elle s’appuie sur l’attention, et permet le lien entre un facteur interne, la régulation biologique, et le traitement des images qui sont la représentation des objets ou événements situés à l’extérieur de l’organisme. Elle donne la connaissance à l’individu des images qu’il produit pour les utiliser dans ses raisonnements orientés vers l’action, base de l’intentionnalité. L’hypnose fait appel à la notion d’attention focalisée, donc la stimulation représentée par le discours du thérapeute lors de l’induction et dirigé vers la perception du patient (visuelle, auditive kynestésique, olfactive, gustative) qui conduirait à un traitement non conscient parvenant à la conscience par le biais de l’attention focalisée induite, et le patient est capable de montrer au thérapeute la connaissance de la stimulation qu’il reçoit. Un autre aspect intéressant concernant les représentations mentales est la production de métaphores, ces images chargées de sens, employées dans un contexte lui-même évocateur, et qui constituent également une base de travail en hypnose.

En suggérant la visualisation de la guérison intégrant tous les aspects de la perception, et l’anticipation d’un programme y conduisant, par un travail avec le temps en différentes étapes, le processus d’adaptation va avoir lieu. L’hypnose offre un cadre respectant la personne dans toutes ses dimensions bio-psycho-sociale, et permettant de restaurer une base de sécurité, un sentiment de confiance, et donc d’auto-efficacité, pour pouvoir retrouver le mouvement. Le domaine du sport est encore sous-représenté dans les recherches actuelles concernant l’hypnose, même si certaines ont été menées avec succès chez les golfeurs. Les joueurs de tennis pourraient également en tirer un bénéfice, ces deux sports présentant des similitudes. Il reste encore beaucoup à découvrir et l’exploration de l’efficacité de l’hypnose sur les différentes variables psychologiques de la performance comme la concentration, l’émotion et la motivation est prometteuse, en s’attachant également aux facteurs facilitant un meilleur retour à l’entraînement et à la compétition après une blessure, comme le sentiment d’auto-efficacité.

 

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