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L’hypnose au centre de la thérapie: Thérapies brèves sans l'hypnose: un non-sens ?

Dr Dominique MEGGLE
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Partons du principe que nos différentes manières d’échanger avec un patient sont toutes hypnotiques. Alors le praticien adoptera la conduite en souplesse, qui consiste à passer d’un degré d’hypnose à l’autre, conversationnelle, légère-moyenne, profonde ou invisible, selon les besoins du patient.

 

LA GRAND-MÈRE ARTHRITIQUE
Bien souvent j’ai entendu des praticiens de thérapie brève, dont certains très renommés, affirmer que, puisque nous avions les techniques modernes de thérapie brève, nous n’avions plus besoin de la vieille hypnose, et encore moins d’hypnose profonde.

Celle-ci serait une grandmère arthritique et un peu gâteuse, juste bonne à être visitée de temps en temps dans son Ephad par charité, en souvenir de ses bonnes actions d’autrefois, mais totalement dépassée par le progrès. A quoi bon perdre son temps à hypnotiser les gens quand on dispose de définitions de problème, de prescriptions de tâches, simples ou paradoxales comme celle des symptômes, de recherches d’exceptions, de questions miracles, d’échelles de solutions, d’externalisations, de cartes narratives ? Les thérapies de résolution de problèmes solutionnistes et narratives semblent bien plus intéressantes, moins laborieuses et plus rapidement productives que l’hypnose. Autant comparer une 2 CV d’avant-hier à une BMW d’aujourd’hui, une machine à écrire d’avant-hier à un logiciel de traitement de texte d’aujourd’hui.

LA TRANSE INVISIBLE

Or, penchons-nous sur les structures de communication de ces trois dernières modalités de thérapie. Dans les trois, ces structures sont intégralement hypnotiques, maniant les mots chargés de sens, les généralités précises, le saupoudrage, les truismes, les suites de ouis, les implications et les présuppositions, les liens et les doubles liens, les suggestions ouvertes et semi-ouvertes, les suggestions composées, le choc et la surprise, la confusion, les questions pour focaliser, suggérer et renforcer, la dynamique de la voix et les métaphores.

 Voici quelques exemples parmi bien d’autres possibles...
 - Quand, solutionniste, je demande à un patient ce qui va mieux depuis qu’il a pris rendez-vous ou, plus tard, ce qui ira mieux d’ici le prochain rendez-vous, je fais une présupposition, celle que, de toutes façons, il va déjà mieux, puis ira mieux.
- Quand je lui demande d’évaluer ses progrès sur une échelle de 1 à 10, où 1 représente le pire pour lui et 10 le bonheur parfait, je fais la même présupposition.
- Quand j’entame la résolution de problème en expliquant que « la thérapie n’est pas le problème, que le problème c’est le problème et que si le problème était la thérapie, cela se saurait », je commence à dépotentialiser l’esprit conscient du sujet par de la confusion. Et si j’insinue par la suite qu’il ne faudrait surtout pas que la thérapie marche trop bien, je fais une implication, celle que d’éjaculateur prématuré qu’il est aujourd’hui, il pourrait bien se retrouver éjaculateur tardif demain.
- Quand je demande à une femme frigide de bien faire attention à ne rien ressentir dans son vagin pendant les relations sexuelles, je fais un double lien. - Quand j’annonce à un agoraphobe que j’ai le traitement radical pour lui, que je ne lui dirai ce que c’est que quand il aura d’abord accepté de le faire sans savoir de quoi il s’agit ; puis, quand il a accepté, que ce traitement c’est le kiwi vert tigré de Tanzanie et qu’il le trouvera au marché du Cours-Lafayette, le stand à côté de l’église, le samedi à 11 heures du matin, j’attise sa curiosité, le surprends, le rends confus, le distrais de son problème et il va au marché rempli de monde sans même s’en rendre compte.
- De même quand, à un énarque hypochondriaque qui dit ne pas supporter le soleil, j’annonce solennellement, lentement, l’index pointé sur lui, que je vais le guérir en le rendant idiot, je le sidère pour l’envoyer efficacement à la plage dès le lendemain matin.

Vous voyez, toute cet te manière d’échanger avec les patients est entièrement hypnotique. Elle est la même que celle employée pour favoriser et utiliser la transe. Il faut avoir appris ce langage, il est celui du soulagement et du changement, celui de l’effet placebo.

Dit autrement : la thérapie brève est de l’hypnose sans transe hypnotique apparente. Le sujet ne ferme pas les yeux, ne produit ni catalepsie ni lévitation, mais son attention est captée, focalisée et dirigée, son esprit conscient diversement dépotentialisé et contourné, son intelligence inconsciente activée : les processus mis en jeu par la thérapie brève sont bien ceux de l’hypnose et la transe est donc bien là, mais invisible.

QUATRE NIVEAUX DE TRANSE

On peut considérer qu’il existe quatre niveaux de transe hypnotique qui forment un continuum : transe profonde (somnambulique ou stuporeuse), transe légère-moyenne, transe conversationnelle, transe invisible. Dans les deux premiers niveaux, les manifestations physiques et mentales de l’hypnose sont visibles en permanence ; dans le troisième, par moments ; dans le quatrième, elles sont inapparentes. Dès lors, il n’est pas surprenant que si le praticien appuie un peu plus fort sur la pédale de sa communication, si j’ose dire, le patient en transe invisible passe facilement en transe conversationnelle, et s’il appuie encore, en transe légère-moyenne, puis profonde.

On a là la preuve que parler de transe invisible n’est pas se livrer à un jeu de mots trop facile, mais bien décrire la réalité. Dans la photographie argentique, la pellicule impressionnée contient réellement l’image mais celle-ci est invisible. Il faut la développer pour qu’elle apparaisse aux yeux. Ce que je dis n’est pas anecdotique car la thérapie brève ainsi que pratiquée couramment, c’est-à-dire en transe invisible, ne marche pas toujours. Le plus souvent alors le thérapeute quitte le patient sur un constat d’échec. En effet, il croit de façon erronée que la thérapie brève est un progrès par rapport à l’antique hypnose, que celle-ci est moins efficace et facile que celle-là.

Avec cette croyance fausse, il prive le patient de chances de réussite car c’est le contraire : quand le sujet ne répond pas en transe invisible, c’est le moment d’appuyer sur le champignon et de produire transe conversationnelle, légère-moyenne ou profonde. Celle-ci activera mieux les ressources inconscientes et conduira à un résultat positif rapidement.

PHÉNOMÈNES HYPNOTIQUES ET THÉRAPIE BRÈVE : EXEMPLE DES EXCEPTIONS

Dans des travaux précédents, j’ai essayé de montrer tout l’intérêt des suggestions post-hypnotiques par rapport aux prescriptions de tâches de la thérapie brève, l’importance de l’amnésie comme phénomène central, à la base de toute créativité, alors qu’elle n’est pas utilisée en thérapie brève et qu’elle simplifie pourtant, énormément, le travail. La question miracle des solutionnistes est un avatar génial de la technique hypnotique de pseudo-orientation dans le temps de Puységur et Erickson : il faudrait y consacrer toute une nouvelle étude que je n’ai pas faite. Je m’attarderai sur un seul point.

En thérapie solutionniste, la traque aux exceptions au problème dans le passé est de règle. La mise en évidence de celles-ci est le fruit d’un travail insistant du thérapeute, qui doit ensuite convaincre le sujet que ces exceptions ne sont pas venues par hasard mais que c’est bien celuici qui en a été l’auteur ; il faut ensuite étudier les moyens que celui-ci a mis en oeuvre à l’époque pour produire ces exceptions ; puis déterminer avec lui ce qu’il peut reproduire aujourd’hui de ces moyens puisqu’ils avaient été efficaces ; à la séance suivante, vérifier ce qui a été fait et contrôler le résultat pour optimiser les mesures à prendre d’ici la consultation suivante... et ainsi de suite.

En hypnose légère-moyenne ou profonde, au contraire, c’est tout en un, et souvent une seule séance suffit. En transe formelle, les exceptions au problème, quand elles sont évoquées, surgissent spontanément, facilement de l’esprit inconscient ; elles prennent l’individu en entier, dans toutes ses dimensions, cognitives, affectives, mnésiques, comportementales et autres : elles engagent toute son expérience ; elles produisent donc un changement spontané dans la vie quotidienne, changement qui vient de l’intérieur du sujet sans qu’on ait besoin de le prescrire de l’extérieur ni de le discuter. La différence est donc qu’en transe formelle, on ne dit pas « traquer les exceptions » – c’est une opération consciente –, mais on demande gentiment au sujet de laisser remonter un souvenir qui pourrait être intéressant aujourd’hui pour lui ; à son inconscient de choisir ; ensuite, on attend sans attendre, et le souvenir opportun arrive, toujours, et on n’a rien fait de plus pour y parvenir.

LE TENNISMAN

 
Un jeune homme de la vingtaine veut devenir moniteur de tennis, mais il a déjà échoué deux fois à l’examen. A chaque fois, il réussit les épreuves écrites, et à chaque fois rate les épreuves pratiques : après un bon début, la première balle perdue lui fait perdre toutes les autres sous l’effet d’une panique irrépressible. C’est un garçon gentil, timide, que la première jolie fille venue tétanise.

 En transe légère-moyenne, je lui fais ma petite demande d’un souvenir utile. Aussitôt, il revit un match de ping-pong à l’âge de 16 ans, match où il avait triomphé ; le public lui avait fait une standing ovation. Je profite de son bonheur intense pour lui dire que sur un court de tennis, il y a une seule balle à la fois, qu’il peut oublier toutes les balles passées et celles à venir et qu’il peut laisser jouer son corps parce que celui-ci connaît très bien les mouvements du tennis. J’ai eu de ses nouvelles six mois plus tard. Il avait eu son monitorat. Il avait aussi fréquenté une fille, mais cela n’avait pas duré. Un an plus tard, il avait trouvé le grand amour. Le changement fait tache d’huile. Voyez-vous : pas la peine d’insister, pas la peine d’être pesant ; on intervient discrètement, on active l’inconscient et on le laisse ensuite faire parce qu’on a vraiment confiance en lui et qu’il est évident pour nous que le changement sera…

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Dr Dominique MEGGLE 2020 1 Dr Dominique MEGGLÉ

Ancien psychiatre des Hôpitaux des Armées, en pratique libérale depuis 1997. Cofondateur de la CFHTB, président de l’Institut Erickson Méditerranée et président d’honneur de l’Institut Erickson de Normandie. Conférencier et formateur, il est l’auteur de plusieurs livres, dont : Erickson, hypnose et psychothérapie (Retz, 2005), Les Thérapies brèves (Satas, 2011), Douze conférences (Satas, 2011), Le traumatisme mental, signes, diagnostic, traitement (Satas, Bruxelles, 2021). A paraître : Les chaussettes trouées (Satas, 2023). 

 

 

 

 

 

 

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Revue Hypnose Therapies Breves 70

 

N°70 : Août / Septembre / Octobre 2023

Voici le sommaire, présenté par Julien Betbèze, rédacteur en chef :



. Anne Malraux décrit, à travers plusieurs séances de thérapie avec Syriane, comment celle-ci va retrouver des ressources, malgré la force du processus dissociatif. Dans cette histoire le personnage invisible du ''dévalorisateur-squatteur'', pilier de la dissociation, devient visible grâce au questionnement externalisant. Il perd son pouvoir et les ressources relationnelles peuvent émerger pour que Syriane retrouve sa fierté et reprenne des initiatives porteuses de sens.

.Cédric Gueguen nous entraîne à « surfer » sur les vagues de la confiance avec les sportifs de haut niveau. Il nous emmène en Polynésie pour saisir la puissance de la mémoire du corps amplifiée par l’entraînement hypnotique.

.Sophie Tournouër illustre, à travers la situation clinique de Daniel, l’apport de Guy Ausloos à la compréhension de ''l’acting out'' : le passage à l’acte n’est pas la cause du dysfonctionnement familial, mais une de ses conséquences. Elle nous aide à comprendre le lien entre les différentes compréhensions systémiques des passages à l’acte ; elle met en évidence l’importance de la dynamique de bienveillance et d’une approche collaborative pour retrouver les compétences relationnelles entre la maman et son fils. Et c’est par un questionnement orienté solution que l’apaisement pourra advenir.

Dossier : Indispensable hypnose

Dominique Megglé nous apprend à repérer et à utiliser les 4 modalités de la transe : transe profonde, légère-moyenne, conversationnelle, invisible. A travers différentes situations cliniques, il souligne notamment comment la relation hypnotique permet d’échapper aux fausses exceptions lorsque celles-ci sont décrites comme de simples moments où les symptômes ont moins d’effet sur les sujets. Comme il le dit : l’hypnose est une jeune fille pleine de promesses.

. Gérald Brassine nous montre comment conduire le travail sur les protections dissociatives chez une femme de 40 ans, avec des antécédents d’abus dans l’enfance, envahie par la peur de sortir de chez elle. Il décrit avec précision une séance qui, grâce a un changement de scénario, permet à cette femme de se libérer d’un syndrome de Stockholm et de retrouver la capacité de faire des choix.

. Stéphane Radoykov et Claude Virot nous rappellent l’importance d’intégrer l’hypnose dans les soins psychiatriques pour que les différents dispositifs thérapeutiques puissent« semer les graines du changement ». Il nous paraît indispensable que, pour le public et les soignants, l’hypnose ne soit pas uniquement associée à l’analgésie, mais soit aussi reconnue socialement comme un processus d’activation du changement en thérapie.]

Espace Douleur Douceur

. Gérard Ostermann.
Edito : Quand l’hypnose parle à l’oreille des cigognes

Michel Dupuet, gynécologue-obstétricien, nous propose une fructueuse illustration clinique de cette thérapeutique incomparable qu’est l’hypnose. Lorsque l’enfant ne paraît pas, tout se bouscule en effet avec son cortège de sentiments négatifs qui s’entretiennent les uns les autres : culpabilité, sentiment d’impuissance, d’injustice, atteinte de l’image de soi et du couple.
. Michel Dupuet a été le premier surpris de ses résultats des plus prometteurs, tout en affirmant avec modestie qu’il est peut-être prématuré de penser que les cas d’infertilité décrits et solutionnés par l’hypnose sont la preuve irréfragable de l’action exclusive de cette technique dans les problèmes de fertilité. Michel Dupuet espère seulement que dans les mois qui viendront ses confrères gynécologues, les centres de PMA intégreront l’hypnose dans leur panel thérapeutique. Malheureusement la crainte vivace dans l’inconscient médical du détournement de clientèle freine encore la collaboration. Pourtant 4 000 stérilités inexpliquées par an ouvre un vaste champ d’action.


. Muriel Launois, ergothérapeute, nous invite à ''Explorer ce qui est bon pour soi''. Dans un monde survolté, où le stress nous fait croire à la performance alors qu’il empêche en fait de goûter la vie, Muriel Launois nous propose d’être attentif à nous-même pour redécouvrir la vraie signification de l’écoute et de la communication avec le réel. Elle nous invite à être dans l’ouvert, sensible à ce qui est. C’est une attitude de vie. Il n’y a rien à atteindre, à obtenir, à devenir. Il s’agit simplement de perdre ses prétentions ; tout est déjà là en amont de notre être en-deçà de nos pensées, soucis et émotions.

Véronique Laplane, médecin pédiatre, nous indique la voie pour ''Ne plus avoir peur chez le pédiatre''. Les enfants sont d’excellents candidats à l’hypnose ! L’hypnose s’appuie sur l’imagination, or chacun sait qu’en la matière les enfants sont rois ! Pour eux, l’imaginaire est réel du moins jusqu’à un certain âge. Ils sont tour à tour dragon, princesse ou chevalier et ont intacte en eux la magie du « comme si »... L’hypnose ne doit pas être vue comme une solution magique, mais comme une méthode complémentaire aux techniques de communication, de réassurance et de préparation mentale.


Rubriques :

. Stefano Colombo et Mohand Chérif Si Ahmed : Quiproquo « Indispensable »
. Adrian Chaboche : Les champs du possible : ''Vous dansez ?''
. Nicolas d’Inca : Culture monde ''Voyage chamanique au son du tambour''
. Sophie Cohen : Bonjour et après ''Corinne et ses peurs''
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