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Algodystrophie et respiration. Revue Hypnose et Thérapies Brèves. Jeanne-Marie JOURDREN

Jeanne-Marie JOURDREN, Hypnothérapie et Algodystrophie
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LA TERRE : l’homme pour avancer dans la vie à besoin de respirer et de se propulser. Sans la terre, il ne peut pas y arriver. Sans la sensation de la terre sous les pieds, il ne peut avancer. La sensation du pied sur la terre et la réaction de la terre sous le pied sont des conditions nécessaires pour se propulser, pour avancer.

L’ancrage des pieds. Pour passer le pas, le pied doit ressentir le sol. Le sol répond par une force réactionnelle. Ainsi, le pied peut propulser le corps vers l’avant. 

Dans de nombreuses techniques énergétiques, on parle de l’importance d’un ancrage corporel pour permettre à l’énergie présente dans le corps de circuler aisément et ainsi laisser le corps en bonne santé. De manière purement physique, il est évident que si une personne ne ressent pas ou peu le sol sous ses pieds, la trophicité globale des pieds, des jambes et du dos va en être modifiée. Cela transformera en conséquence la posture de la personne au fur et à mesure que le temps passe, la façon dont elle va se déplacer.

Sans la sensation du pied sur le sol, la musculature, qu’elle serve à la propulsion ou à l’équilibre, sera moins efficiente. Il sera donc essentiel de travailler les sensations que les pieds échangent avec le sol. Cela va directement améliorer la qualité du mouvement puis la posture de la personne. 

En augmentant les sensations des pieds et des membres inférieurs, la séance améliore la qualité du mouvement directement. Si le mouvement est amélioré, les sensations perçues seront plus variées : un réel cercle vertueux pour le patient.

Le programme moteur de base, c’est-à-dire le mouvement humain, est un cadre de référence qui doit être connu de tous praticiens de santé. Si la posture ne demande pas de pensée consciente, la conscience corporelle vient du système sensoriel. Le système locomoteur fonctionne automatiquement pour protéger le corps et rendre le mouvement efficient. L’organisation du système locomoteur peut être résumé de la manière suivante : 

- une articulation sur deux doit être mobile et permettre aisément le mouvement (MOB) ;

- l’autre articulation doit être alors stable pour transmettre le mouvement (STA).

Zones de mobilités (MOB) :

- cheville 

- hanche 

- dorsales  

- épaules

- poignets.  

Système anti-gravitaire ou de stabilité (STA) : 

- gros orteil et voûte plantaire

- synergie quadriceps - ischiatiques 

- sangle abdominale.

Lorsqu’on observe un patient bouger et se déplacer, il est indispensable de connaître la motricité ordinaire. Sans cette connaissance, bien des hypothèses de traitements peuvent être fausses.

Le pied au sol a plusieurs fonctions. Le gros orteil est essentiellement efficace dans la propulsion. La partie externe du pied permet de transmettre l’équilibre au reste du corps. Lors d’une transe, il semble pertinent de dissocier ces deux fonctions du pied pour mieux activer les compétences de chacune.

Le patient récupère ainsi de bonnes sensations dans les pieds et dans les jambes. La marche en devient plus efficace. L’équilibre s’améliore. C’est le premier niveau de changement.

Pour le corps, cette expérience est essentielle ; la proprioception, c’est-à-dire cette capacité à évaluer les sensations d’un côté et l’autre de la ligne médiane du corps et à adapter la tension de la musculature à l’ici et maintenant, est fondamentale.

Une bonne proprioception est indispensable pour permettre la stabilisation du monde intérieur du patient. Sans cette capacité purement physiologique, le monde intérieur du patient est ressenti comme trop fluctuant, trop chancelant. Le patient décrira souvent de grandes difficultés à être calme et stable autant physiquement que dans sa qualité relationnelle. Cela peut le mettre en difficulté pour avancer dans sa vie. Le travail de proprioception impacte donc la qualité relationnelle que le patient entretient avec son entourage. C’est le deuxième niveau de changement.

Jeanne-Marie JOURDREN, Hypnose et AlgodystrophieLes mains. Les sensations dans les pieds sont nécessaires et celles dans les mains sont indispensables pour bien avancer.

Les mains sont aussi importantes pour la marche. Si les pieds propulsent la personne, les mains donneront l’importance de l’espace latéral de la marche. Si le patient n’utilise que peu ou pas ses mains pour avancer, il sera indispensable d’augmenter les sensations dans les mains. Observer la position des mains pendant la marche nous donne de bonnes indications : les mains sont relâchées et souples ou bien les poings sont serrés ? Les sensations perçues par le patient ne sont pas du tout les mêmes en fonction des postures des mains. 

A toutes les étapes de la vie, les mains ont une fonction essentielle pour avancer, découvrir et ressentir le monde qui entoure. Plus leurs habilités seront développées, plus les mains pourront s’adapter à des situations diverses et variées. Inconsciemment, les mains nous relient à tout ce qui nous entoure, elles nous protègent dans certaines situations et expriment bien des choses sur notre monde intérieur par des gestes autocentrés. 

Les mains servent à donner autant qu’à recevoir.

Les mains nous aident à avancer et à nous protéger.

La main est un trésor. C’est l’outil le plus adaptable et le plus adapté.

La main perçoit la sensation grâce à une multitude de capteurs : les températures et leurs infimes variations, la tension et toutes ses déclinaisons, les volumes et les reliefs.

                      

L’utilisation des fonctions physiologiques du corps, c’est-à-dire ses capacités de sensations et de mouvements ainsi que toutes les capacités d’échanges dans le corps sont pertinentes et utiles dans bien des situations. 

LE RYTHME DU PAS : chacun son rythme pour avancer dans la vie.

Le rythme des pas, c’est-à-dire la fréquence de la marche et la longueur des pas sont propres à chaque individu et à chaque étape de vie. Si pendant l’enfance la longueur du pas est largement influencée par la taille des membres inférieurs, l’état émotionnel et la posture vont aussi influencer cette longueur du pas ainsi que la qualité de la motricité et la dissociation de ceintures pour passer le pas. 

Le rythme de la marche est aussi dépendant de notre lieu de vie.

L’observation de la marche peut nous renseigner sur une multitude d’informations sur les compétences de la personne à avancer, à se déplacer ici et maintenant, comme à avancer sur le chemin de sa vie.

Exemples de troubles de la marche :

- asymétrie dans la dissociation des ceintures ;

- asymétrie dans les longueurs de pas ;

- incongruence entre la façon de marcher et l’âge de la personne ;

- qualité d’ancrage ;

- posture inadaptée, mauvaise utilisation des mains.

Madame Sissi Catrice, 44 ans

Mme Catrice se déplace avec un déambulateur car elle craint de tomber. Elle effleure le sol de son pied sans réellement appuyer sur son membre inférieur car elle souffre d’une algoneurodystrophie. L’algoneurodystrophie s’est déclenchée suite à une ligamentoplastie de la cheville consécutive à de nombreuses entorses. Depuis plus de six mois, la rééducation piétine...    

Sa démarche est figée et raide. L’axe médian de son corps n’est pas centré comme si une partie de son corps avait été oubliée et qu’elle la traînait derrière elle.

La première séance a pour objectif de réassocier la patiente à son corps tout entier.

Elle s’assoit sur le bord de la table, les pieds posés sur le sol.

« Juste observer comment l’air entre dans chacune des narines... pour observer à quel moment l’air devient particulièrement plus agréable... ou confortable... juste l’observer. Observer ce moment où l’air libère l’énergie de l’air jusqu’aux bouts... des doigts... des pieds... juste observer. Les sensations petit à petit se transforment dans les doigts et les pieds... naturellement. Et à chaque respiration, les liens d’énergie s’installent... entre les doigts, les mains, les jambes et les pieds confortablement. L’énergie de l’air nettoie sur son passage... tout ce qui est nécessaire... naturellement. La partie attentive commence à percevoir les sensations qui se transforment... en haut comme en bas... d’un côté comme de l’autre… (…) A chaque respiration, la partie attentive vérifie que les pieds sont maintenant bien reliés à vos jambes... comme vos doigts sont bien reliés à vos mains... naturellement. Bien vérifier que tout est bien relié de haut en bas et jusqu’aux bouts des doigts. » 

Lorsqu’elle se présente pour sa deuxième séance, Sissi Catrice paraît plus détendue. Elle se dit beaucoup moins fatiguée. Elle esquive encore beaucoup le pas mais elle utilise maintenant une seule béquille. Les mains ont donc partiellement repris leurs fonctions. 

Dans la deuxième séance, l’objectif est de retrouver la sensibilité de ses pieds et ses jambes. Une même sensibilité dans les deux pieds pour mieux avancer, c’est-à-dire avancer au même rythme de chaque côté.

« Laisser les pieds ressentir le contact du sol... peut-être plus certains orteils... ou certaines parties des orteils... et observer à quel moment les orteils commencent à échanger avec le sol... les petites choses entrent... d’autres sortent... ils échangent naturellement. Les pieds se remplissent de cette sensation qui vient de la terre... ils deviennent forts et calmes... naturellement. En échange, les pieds laissent échapper toutes les choses inutiles... toutes les choses en trop ou qui ne bougent pas assez... Juste observer ces échanges, naturellement. Sous les pieds, comme des racines... elles s’enfoncent dans le sol pour mieux échanger. L’énergie de la terre peut alors remonter... circuler... dans les pieds... de la même manière ou à la même vitesse... puis remonter... dans les jambes... circuler... avancer... juste pour renforcer... tout ce qui est important. L’énergie de la terre est souple... et fluide... elle circule librement... etc. » 

Deux semaines plus tard, la patiente me dit que le travail en kinésithérapie « classique » est maintenant devenu bien plus confortable. Elle s’accroche toujours à sa béquille car elle a très peur que sa cheville se dérobe. Je lui demande de ressentir cette sensation si présente lorsqu’elle pense à cela : « Comment cela fait lorsque vous pensez à cela ? » Sissi me répond qu’elle a une boule dans le ventre. « Bien, très bien, les yeux peuvent aller la regarder, là où elle est ?... juste la regarder de plus près pour mieux l’apprécier... observer son enrobage... et voir à quel moment elle va se dérober... les yeux peuvent apprécier toutes ces fines particules d’enrobage qui vont s’en échapper. » La patiente sourit... « Bien, très bien... profitez de toutes ces particules... elles sont remplies d’énergie... elles peuvent voyager... partout où le corps en a besoin... peut-être même dans des endroits étonnants... percevoir tout ce qui se dérobe... naturellement. »  

La fin de la séance d’hypnose se termine par une réassociation bien détaillée. Il semble important d’utiliser une réassociation précise pour améliorer les ressources sensitives et motoriques du patient. La sensation guide le mouvement ; l’évocation de nouvelles sensations dans les parties distales d’un membre semble augmenter les performances motrices. Quand la motricité s’améliore, les sensations sont plus diverses, un cercle vertueux est activé.

Cette séance est une réadaptation émotionnelle indispensable à la bonne évolution du traitement. Le travail proprioceptif pourra être de grande qualité. La patiente n’appréhende plus les chutes et son tonus musculaire va s’adapter aux sollicitations qui lui seront demandées. 

Quelques jours plus tard, Sissi marche lentement mais d’un pas symétrique et assuré. Elle recommence à utiliser les mains pour appréhender l’environnement immédiat. Elle promène sa béquille comme un trophée qu’elle peut enfin lâcher. 

« Rien ne se perd, rien ne se crée et tout se transforme » 

Dans chaque séance, l’utilisation des principes physiologiques ordinaires rendent les métaphores bien plus pertinentes. Le corps connaît et utilise toutes les ressources, qu’elles soient sensations, mouvements ou autres expériences ordinaires. Le corps est une réserve de ressources inépuisable.

 

Revenir à l’essentiel : le corps

Créer des histoires ou métaphores naturelles, physiologiques et biologiques. 

Utiliser la simplicité, l’efficacité : une technique écolo, bio et pleine d’avenir ?

Dame nature nous a tout donné, sachons l’utiliser !

 

Jeanne Marie JOURDREN, Hypnothérapeute, Formatrice en Hypnose MédicaleJeanne-Marie JOURDREN est Kinésithérapeute. Titulaire du DES en kinésithérapie du sport et revalidation du sportif (UCL).
Hypnothérapeute titulaire du Certificat Européen d’Hypnose.

Chargée d'enseignement au CHTIP, Collège d'Hypnose et Thérapies Intégratives de Paris
Chargée d'enseignement à IFH. Intervenante à l'IFMK de la faculté de médecine de Brest: communication thérapeutique et hypnose
Conférencière au sein des Congrès de la CFHTB et Hypnose Douleur.

 

 

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